L’un des nombreux privilèges de la photographie d’artisanat, c’est de pouvoir entrer dans des ateliers. Il faut s’imprégner de cet univers singulier présent face à nous, qu’on toucherait presque. Pendant de longues minutes ou plusieurs heures, on va trouver ses marques, là où la lumière est belle et le champ dégagé. Entre des souvenirs personnels encadrés, agenda, tasses à cafés et autres détails de la vie quotidienne, des outils ordonnés, du matériel rangé; on sera témoins de gestes, exécutés devant nous, parfaits de minutie et de patience. La passion est palpable, et on s’imagine, durant ce bref épisode où nos sensibilités se croisent, un long processus, une combinaison de répétitions, d’observations, sans pression, mais où la concentration est reine et qui fera naître du beau. Toujours.
“C’est juste un coup de main à prendre” me dit humblement Morgane, lorsqu’elle parle de son métier de tisserande. Son métier, c’est également cette imposante machine en bois grâce à laquelle la magie s’opère. Presque comme un orgue à la mécanique bien huilée, où s’entremêlent mais jamais ne s’en mêlent trame, chaîne, peigne et navette qui se coordonnent l’un à l’autre. Un outil gigantesque où les mains de Morgane, partout où elles passent et actionnent, enchaînent les minutes et les rangs de fils, pour créer du volume, de l’épaisseur, et beaucoup de nuances de délicatesse.
Le travail de Morgane est un mouvement en quatre temps : l’héritage d’un savoir-faire remontant à la fin du Néolithique, une inspiration constante et infinie, des pelotes et bobines de fils comme points de départ vers une aventure en trois dimensions, et un voyage presque méditatif où l’arrivée sera faite de coussins, sacs, lettres, et tout autre projet matérialisé (pas “comme magie”, mais par persévérance, exactitude et heures de travail). Durant un reportage photo et dans cette interview “La vraie vie”, voici des images et des mots à propos d’un atelier, que j’ai visité et d’une artisane que j’ai rencontrée.
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One of the numerous privileges of photographing craftspeople is visiting their workshops. I’m immediately soaked up in this particular atmosphere; that I can almost touch. For long minutes or several hours, I have to find my feet, beautiful light, and a clear shot. I’m in between personal framed memories, cups of coffee and other details of everyday life, tidy tools, organized gear — and I’ll see at first hand movements executed by artisans denoting patience and meticulousness. The passion is palpable, and during this brief moment when my sensitivity meets the artisan’s, I imagine a long process, a combination of repetitions and observations, without pressure but rife with concentration, and from where beauty will emerge. Always.
“You just need to be good with your hands!” humbly said Morgane when she spoke about her work as a weaver. She works every day with her loom, an imposing wood machine, thanks to which magic happens. It looks like an organ, a well-oiled piece of machinery within which warp, weft, threads, and shuttle are interlaced but never tangled. Each part of the mechanism is coordinated and comes one after the other. Morgane’s loom is a gigantic instrument, a circuit where her hands move around and crank, where time flows smoothly, and her threads and yarn segue into one another. The result is always ample and sculptural, dense, and awash with softness in its multiple forms.
Morgane’s creation process is a movement in four-four time: the heritage of a craft dating from the Neolithic Age, a never-ending inspiration, balls and bobbins as a starting point of a three-dimensional adventure, and a meditative journey to an arrival full of pillows, bags, letters and other materialized objects (not “as if by magic”, but by perseverance, precision and hours of labor. During a photo report and a “La vraie vie” interview, here are some photographs and words from a workshop I visited and of a craftswoman I met.

→ Comment es-tu arrivée à devenir tisserande ?
La découverte du tissage a vraiment été le fruit du hasard pour moi. J’ai eu la chance de faire un séjour Erasmus à Londres durant ma première année de Master en Arts Appliqués durant lequel j’ai atterri dans le studio de création de Faustine Steinmetz, designer textile. Au sein de son atelier j’ai pu expérimenter mes premiers tissages, une technique pour laquelle j’ai eu un véritable coup de cœur ! De retour en France, je me suis empressée d’acheter un métier à tisser pour continuer mon appren-tissage que j’ai pu perfectionner lors d’un second stage chez Perinne Rousseau qui propose des tissages artisanaux pour l’ameublement de luxe. Ce sont ces premiers pas en tant qu’apprentie tisserande qui m’ont donné goût à ce métier ancestral que j’aime continuer à faire perdurer !
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→ How did you become a weaver?
How I discovered weaving is a mere coincidence. I’ve had this opportunity during an Erasmus program in London I participated in during my first year of my Applied Art’s Master’s degree. During this trip, I’ve landed up at Faustine Steinmetz’s creative studio. Faustine is a textile designer and within her studio, I could experiment and learn more about the weaving process, a technique that turned out to be my favorite! Back in France, I’ve hurried myself to invest in a loom to pursue my learning process that I’ve perfected with Perinne Rousseau, who manufactures hand-crafted weaves only for the luxury furniture market. These were my very first steps as a weaver’s apprentice and they certainly are the reasons why I love this ancestral work that I really like to perpetuate.



→ Peux-tu nous présenter ton métier et tes influences ?
Au sens large, avant d’être tisserande je suis designer coloriste. Mythologiae est mon petit laboratoire d’expérimentations qui allie mes compétences de graphiste et de designer textile. En parallèle de ma marque, j’interviens également pour différentes entreprises dans ces deux domaines d’activités.
D’un point de vue inspiration, le moindre détail ou caractéristique que je croise au quotidien peuvent être les prémices d’un projet ou d’une idée. Ça peut être les textures d’une fleur sauvage que je vais cueillir lors d’une balade, ou bien un motif que je vais observer dans un livre de costumes. Et ce qui me plaît par-dessus tout c’est de mettre le nez dans des mythes ou histoires en les retranscrivant à ma manière dans les tissages que je crée. J’adore donner du sens à tout ce que je fais de manière singulière !
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→ Could you tell us more about your work and what influences you?
Overall, before being a weaver, I’m a color designer. My brand, Mythologiae, is also my lab with which I can experiment and develop my skills as a graphic and textile designer. Besides my brand, I also collaborate with different companies regarding these two trades.
About my inspiration, every single detail or characteristic I can spot or observe in my everyday life can lead to a new project or idea. It can be the texture of a wildflower that I’d pick or a pattern in a costume book I’d scrutinize. And what I mostly like is immersing myself in myths or stories that I’ll transcribe my own way in the weaves I’ll create. I love giving meaning to everything I make in a singular way!

→ As-tu une journée type ?
Ce qui me plaît le plus dans le fait d’être entrepreneure c’est que chaque journée ne se ressemble pas même si certaines tâches sont quotidiennes. Généralement je commence par un petit tour sur les réseaux sociaux pour jeter un œil à mes comptes favoris qui me nourrissent au quotidien ! Puis je m’occupe des mails et des urgences à traiter avant de m’attaquer au tissage, à la couture ou à la photographie par exemple.
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→ What’s your typical day like?
What I prefer about being an entrepreneur is that each day doesn’t look the same, even if some tasks have to be made day to day. Generally, I start my day by scrolling on social media to check on my favorite accounts that I nourish myself with every day! Then, I respond to emails and the emergencies I must deal with before starting to weave, sew, or taking photographs, for instance.


→ Quelles matières préfères-tu utiliser ?
Alors là c’est vraiment difficile de faire un choix car ce qui me plaît le plus dans le tissage c’est de pouvoir mixer des matériaux de provenances variées ! Lin naturel, mèche de coton, laine flammée, ruban de soie, fibres recyclées et chinées, fils métalliques, fleurs séchées, etc autant de matières qui donnent corps et participent à l’histoire de chaque étoffe ou objet tissé.
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→ Which types of materials do you prefer weaving?
It’s a tough question as what I mostly like about weaving is that I can mix materials from different origins! Natural linen, cotton wick, slub wool, silk ribbon, bargain-hunted and recycled fibers, metallic threads, dried flowers, so many materials that give body and shape to the story of each fabric or weaved object.

→ As-tu des petites habitudes lorsque tu travailles ?
C’est parfois assez morose de travailler seul(e) chez soi alors je ne peux m’empêcher de mettre de la musique, des podcasts, un reportage ou une bonne série Netflix pour m’accompagner dans mes journées ! J’ai beaucoup de mal à travailler sans ça et ce sont également des sources d’inspirations quotidiennes qui me permettent de m’évader un peu.
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→ What work habits have you developed?
It feels gloomy sometimes to work alone at home so I can’t help listening to music, podcasts, reports or a good Netflix show to not feel lonely during my work days! It’s hard for me to work without those elements as they’re also some of my daily sources of inspirations which enable me to escape a little.

→ Que préfères-tu dans ton quotidien ?
Comme je le disais plus haut, ce qui me plaît le plus dans ce quotidien d’entrepreneure c’est de vivre des journées qui ne ressemblent pas et qui me permettent d’avoir des activités aussi variées les unes que les autres ! Je suis de nature à me lasser rapidement donc c’est pour moi une réelle source de motivation et d’épanouissement de pouvoir switcher entre le tissage, le graphisme, la couture, ect chaque jour en fonction de mes envies.
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→ What do you most enjoy doing in your daily life, as a weaver?
As I said before, what I mostly like with my life as an entrepreneur is that every day is different and so are the various activities that make my day! I easily get bored, so it’s really motivating and fulfilling to be able to shift from weaving to graphic design, and sewing etc, each day depending on my train of thought.

→ Comment t’es-tu adaptée au Covid ?
Je n’ai pas dû prendre de mesures particulières car mon atelier est installé chez moi. Mais j’ai dû anticiper beaucoup de choses ne sachant pas trop comment allait évoluer la situation : les commandes auprès des fournisseurs qui pour certains ont dû fermer, les reports d’ateliers, le développement d’une clientèle par le biais des réseaux sociaux et de ma boutique en ligne, etc. Malgré cette situation désastreuse pour bons nombres de commerces et d’artisans, je suis ravie d’avoir pu constater différents élans de solidarité qui ont pu naître durant cette période et le penchant grandissant des français pour l’artisanat !
J’espère que des jours meilleurs nous attendent en tout cas.
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→ How did you adapt your business to Covid-19?
I didn’t need to take any particular measure as my studio is at my home. But I had to anticipate many things as I couldn’t figure out how the situation would evolve: my orders to my suppliers (some of them had to shut down), the postponed workshops, the development of a customer base only through social media and my online shop, etc. Despite this disastrous situation for many shops and craftspersons, I’m thrilled to have seen solidarity rushes that happened during that period and how French people have had a liking for artisans’ work! I’m really hoping that better days will come, anyway.


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